Résidence technique de recherche et de création de Marine Antony
Description
Le Chant de l’Espace-corps est une expérience poétique de la relation entre le corps humain et l’espace qui l’entoure. Dans ce spectacle contemplatif où l’on peut confondre l’infiniment grand et l’infiniment petit, le corps abstrait représenté est une sculpture en perpétuelle transformation, habitée par la matière sonore. Il tend à se fondre avec l’espace. Toute figure humaine disparaît, tout repère spatial est effacé. Restent l’abstraction géométrique et la vibration du vivant.
UNE IDÉE DU CORPS, ABSTRACTION :
Présence de mouvement, absence de figure humaine
Je cherche à créer un corps à la fois présent par son mouvement, et absent visuellement en tant que figure humaine : il est un corps abstrait, une idée de corps qui n’est plus que mouvement. C’est également en quoi les manipulateurs se font marionnettistes. Ainsi, le mouvements des corps invisibles se mêle à la géométrie des formes dessinées. J’y vois une façon de réunir la nature et le monde des idées : le corps est nature, l’abstraction géométrique est idée.
Cela m’a amené à m’intéresser aux travaux sur la scène abstraite de Oskar Schlemmer, artiste du Bauhaus, qui afin de retrouver le “sens intérieur” du mouvement, habille ses danseurs de costumes abstraits, aux formes géométriques, mettant en évidence le mouvement lui-même et non l’interprète. Alwin Nikolaïs et Wolf Ka sont deux autres de mes principales références, dans cette recherche de corps abstraits.
Dans Le Chant de l’Espace-corps, le corps prend la forme de pyramides, cubes, quadrilatères, lignes et points en mouvement, transformables, déformables. Son abstraction me permet alors de le fondre, dans une vision poétique, avec l’espace physique qui l’entoure, qui lui est initialement extérieur. Il n’a plus la même forme ni les mêmes limites. Cela ne lui empêche pas d’être expressif. En effet, comme le dit Alwin Nikolais, « Nous n’avons pas besoin d’apprendre à comprendre le langage abstrait du mouvement, car le mouvement est au coeur de chaque instant de notre vie. »
VIE LATENTE DE L’ESPACE, REVELÉE PAR LE CORPS
Le dispositif du spectacle est composé d’un programme informatique écrit sous environnement Max/MSP/Jitter, d’un ordinateur, d’un système de sonorisation relié à l’ordinateur, et d’une interface entre ce dernier et les corps : des balles lumineuses captées par une caméra numérique. J’ai choisi un tel dispositif car je souhaite que le mouvement révèle, par un certain rapport au son, une vie latente de l’espace : des architectures sonores y sont présentes potentiellement, et actualisées par le mouvement des objets manipulés.
SONORITÉ DU GESTE ET ESPACE SONORE
– Le « sens spatial »
Les manipulateurs jouent, en temps réel, des sons traduisant les relations harmoniques entre l’espace et les mouvements du corps. Le théoricien de la danse Rudolf Laban, parle beaucoup de cette relation harmonique, notamment dans le texte Espace Dynamique : « L’espace est un trait caché du mouvement et le mouvement est un aspect visible de l’espace ». C’est ce lien très fort entre l’espace et le corps qui m’intéresse. Les sons joués par les mouvements, dans le spectacle, sont la correspondance sonore que j’imagine de ces liens. Par exemple, si un geste déforme visuellement l’espace en déplaçant un ou plusieurs points, le son se déforme lui-aussi (selon certains paramètres choisis). Le geste devient alors sonore, car il a une conséquence sur ce que l’on entend.
– Rapport du corps à l’instrument de musique
Le dispositif que j’utilise permet de jouer des sons en effectuant des gestes : il est en ce sens un instrument de musique. Ce dernier peut évoluer de plusieurs façons, en rapport avec le corps :
1: l’instrument de musique et le corps qui en joue sont distincts. Le corps évolue dans, ou à côté de l’espace-instrument.
2 : le corps intervient sur la forme de cet espace sonore, en déplaçant les points lumineux qui le constituent. Cela peux aller jusqu’à la fixation des balles sur le corps. Ce dernier se confond alors avec l’espace-instrument. Les sons produits sont ceux de l’espace corporel qui se modifie selon les gestes.
Dans le spectacle il est possible de passer de l’un vers l’autre selon différents degrés, il n’existe pas de frontière distinguant nettement les deux catégories.
La question du rapport du corps à l’instrument de musique peut se poser pour chacun d’eux, notamment les instruments électroniques et informatiques. Il est possible d’imaginer diverses interfaces entre le corps et l’ordinateur. On peut citer par exemple le travail du musicien et plasticien Atau Tanaka, qui pour le concert de musique électronique Sensorband a fabriqué différentes interfaces proches du corps, pour chacun des trois musiciens. Dans Le Chant de l’Espace-corps l’outil informatique est utilisé pour traiter des sons en temps réel, par l’intermédiaire d’une interface entre les corps et l’ordinateur, qui est une caméra captant des objets lumineux. Ce dispositif a l’avantage d’être assez ouvert pour pouvoir passer d’un type à l’autre des rapports à l’instrument, que j’ai décrits plus haut : le corps peut être plus ou moins relié à l’espace sonore, et il est possible de faire varier le « comportement » de l’espace en réaction aux gestes, et ainsi changer sa nature, et la nature des rapports corps/espace.
– Établissement des correspondances (mappings) ; coeur du spectacle :
J’ai établi un classement des correspondances que j’ai choisies entre événements visuels et événements sonores, qui donnent sens au spectacle. J’ai conceptualisé ces rapports, finalement très simples, qui peuvent être classés dans un tableau. Ce tableau représente le coeur du spectacle, ce dernier s’articulant autour de lui.
Les correspondances choisies pour Le Chant de l’Espace-corps, écrites dans Max/MSP/Jitter, correspondent au choix que j’ai fait des associations entre le visuel, des actions corporelles, et le sonore, des réactions à ces gestes.
RECHERCHES GRAPHIQUES
Mon approche des architectures sonores et du mouvement passe principalement par le dessin. J’utilise un vocabulaire graphique qui se situe entre la notation chorégraphique et le dessin d’architecture.
BIOGRAPHIE
Marine Antony : (écrire à l’artiste : marine.antony (at) gmail.com)
Le travail de Marine Antony entrecroise arts du mouvement, scénographie, nouvelles technologies interactives et art sonore. Diplômée de l’Ecole Européenne Supérieure de l’Image de Poitiers (France) avec les félicitations en 2007, elle part l’année suivante à Montréal, où elle créé Le Chant de l’Espace-corps, avec trois collaborateurs. La résidence à la SAT est l’aboutissement de cette création, qui sera présentée au Canada et en France.
Matthew Waddell :
Matthew Waddell est compositeur en électro-acoustique et technicien du son. Né à Calgary, il vit et travaille à Montréal. Durant les trois dernières années, il a participé en tant que musicien à de nombreux projets : vidéo, théâtre, danse, installation et diffusion audio 5.1. Actuellement, il joue dans le groupe de musique improvisée Corse, et le collectif de danse Apex Ensemble. Récemment diplômé de l’Université Concordia en composition électro-acoustique, Matthew souhaite continuer à explorer l’univers du son et des nouveaux médias. Il est très heureux d’avoir l’opportunité de travailler sur ce projet à la SAT.
Nicolas Ottenheimer, jongleur :
Étudiant en géographie, Nicolas Ottenheimer habite désormais à Montréal après quelques années passées à Paris, en Belgique, dans les Alpes de Haute Provence et à Marseille. Il commence les arts du cirque à l’age de 10 ans, pratique le contact, les balles et massues, le monocycle et le mime. Il a été membre du conseil d’administration d’extrême jonglerie, une association marseillaise qui offre un lieu de pratique de cirque, organise des spectacles et des ateliers avec des enfants.
Elise Hardy, danseuse :
Danseuse contemporaine et diplômée d’une Maîtrise en Danse à l’Université de Paris 8 en 2003, Élise Hardy a collaboré en tant que chorégraphe et interprète dans plusieurs pièces chorégraphiques pour les compagnies de danse “Eclectic Pericol” et “Avekousan” à Paris de 2002 à 2007. Elle a donné parallèlement des ateliers de danse pour des personnes autistes et des personnes souffrant de troubles psychiques. Elle suit actuellement la formation du DESS en Education Somatique à l’Université du Québec à Montréal. Depuis son arrivée à Montréal en 2007, elle a créé et participé à divers projets chorégraphiques, entre autre pour la compagnie Corpuscule Danse avec des personnes handicapées. Élise collabore avec Marine Antony pour la pièce “Le Chant de l’Espace-corps” depuis janvier 2008, dont une première version avait été présentée dans le cadre du Salon de la Courte Forme (UQAM) en mars 2008.