A travers Marseille, Barcelone, Berlin, Marie Maquaire repère les lieux et garde la trace vidéo d’une exploration scopique ou temporaire, les Tentatives d’épuisement d’un lieu. Puis le cadre devient immobile au milieu de la ville, elle fait prendre la pose à l’homme en In-Stances.
A Montréal, dans un espace où sont boulversés les degrés de pertinence, l’objectif devient une boussole.
En résidence à la SAT pendant 2 mois, elle trace à la caméra son nouveau territoire.
45°30 286°24 donne la position vidéographique de cet espace et ce temps.
Marie Maquaire présentera ses projets et une étape de 45°30 286°24., une interprétation du 360°.
Ce projet reçoit le soutien du Consulat de France au Québec.
S’il n’y avait pas In-stances, on pourrait penser que l’unité du travail de Marie Maquaire se situe seulement du côté de l’éloge du mouvement : mouvement du corps même de la vidéaste à travers les villes d’Europe qu’elle visite ; mais aussi mouvement de la caméra dans sa manière d’appréhender les pays traversés : en recourant aux travellings comme aux procédés d’incrustation d’images les plus divers, Marie Maquaire donne dans ses premières vidéos l’impression qu’elle cherche à mettre en scène la pure jouissance de la découverte et du voyage à la va-vite : jouissance enfantine et spontanée sans doute, mais aussi romanesque que celle de décider un beau jour de s’en aller, et de larguer les amarres pour un ailleurs ; – pour le plaisir, en l’occurrence, de laisser son regard filer et se déporter, comme pour celui de ne pas fixer la caméra et de lui faire librement parcourir les lieux, les rues et les fleuves à toute vitesse. De ce point de vue, il est possible que le rythme, le glissando continu de ces premières vidéos, témoignent d’une sorte de pulsion scopique à tout explorer. Tentatives d’épuisement d’un lieu, titre générique de ces premiers travaux, constitue bien plus qu’un simple hommage à Perec : il donne un indice précieux sur la manière d’aborder l’évolution du projet ; car, comme chez Perec, il en exhibe aussi, sans doute, la poignante invalidité.
De fait, grâce à In-stances, on se demande si tout travail sur le mouvement n’implique pas qu’un jour soit effectué un retour stratégique à l’immobilité, seule à même de contrer le péril qui menace tout regard que l’ivresse ou l’ingénuité condamnent à l’impossibilité de s’arrêter de dériver : péril, entre autres, que ce regard, contraint de découvrir sans cesse, ne se dilue malgré lui ; et que l’unité de la conscience qui le sous-tend ne se difracte, ne se disperse jusqu’à ne retenir des lieux traversés que des impressions diffuses ; dans cette perspective, si split-screen et multi-screen permettent d’un côté une recomposition sculpturale des espaces que le regard a captés, par la prolifération même des écrans, ils en miment simultanément la décomposition temporelle. L’utopie de l’explorateur, sa méticulosité et son obstination fébriles à ne rien manquer, que semble dans notre monde favoriser l’utilisation de moyens de transports rapides, s’achève sur le constat que tout espace est voué à se délabrer, et le sujet à éclater s’il ne sait pas s’arrêter.
De cette tension entre l’utilisation du mouvement de la caméra comme sorte de carnet de notes (de notes qui réussissent à commémorer, paradoxalement, les lieux dans leur fluidité), et l’intuition qu’il ne reste d’emblée de ces notes que traces, réminiscences, sensations morcelées et avortées aussitôt qu’éprouvées, résulte une impression : que le désir d’épuiser un lieu fait fatalement place, un jour, à l’angoisse de finir soi-même épuisé.
{{Nicolas Bouyssi}}, 2004 (extrait)