0

Entropia - Rencontre avec Eric Raynaud

Rencontre avec Eric Raynaud (producteur de musique expérimentale et plasticien sonore) sur la création d’Entropia dans la Satosphère.

Eric Raynaud est producteur de musique expérimentale et plasticien du son opérant sous le pseudonyme de Fraction. Vous avez peut-être déjà vu certaines de ses œuvres présentées dans la Satosphère : Dromos, ou plus récemment Obe, une installation interactive immersive. Originaire de Paris, l’artiste est en résidence de création à la SAT cet automne pour créer une nouvelle œuvre sonore immersive unique en son genre.

En se servant des techniques d’ambisonie pour spatialiser le son, son projet Entropia est le fruit de l’innovation au service de l’esthétique où le mouvement et l’architecture sont à l’honneur. Il venait à peine de faire ses premiers tests dans la Satosphère quand nous l’avons rencontré.

Présenté dans le cadre d’un programme d’échanges France-Québec avec le Conseil des Arts et des Lettres du Québec (CALQ), l’Institut Français et la SAT.

Partition 3D IanniX
Avec l’aide et le support de Guillaume Jacquemin (IanniX crew)


Q : Comment comptes-tu présenter l’oeuvre dans la Satosphère?

R : L’idée c’est d’avoir quatre ou cinq tableaux dictés par une partition géométrie spatiale, des architectures différentes qui vont donner le cadre [à l’œuvre]. Dans un premier temps, et pour une première restitution, je ne compte à priori pas faire de projection vidéo dans le dôme, mais plutôt garder une approche purement sonore afin de ne pas ternir l’expérience ambisonique – quitte à laisser l’auditoire dans le noir une bonne partie du show. En parallèle, je développe une scénographie basée sur une structure lumineuse physique qui sera réactive au son, pour une version finale. Ultimement, j’aimerais être capable de sortir l’œuvre du dôme et la présenter dans des musées, galeries ou des espaces urbains décontextualisés



Q : Peux-tu nous expliquer ce qu’est l’ambisonie?

R : C’est une technique avancée de spatialisation sonore développée dans les années 70, qui commence à être un peu plus vulgarisée de nos jours avec les capacités des technologies actuelles. C’est le moteur audio de l’oeuvre. Concrètement, en ambisonie, le son est encodé puis décodé pour reconstituer un champ sonore virtuel, synthétisé sous forme d’harmoniques. Ça permet de créer des sons immersifs plus naturels pour l’oreille humaine, plus réalistes (en jouant notamment sur des paramètres psycho-acoustiques), ce qui n’est pas possible avec une méthode de spatialisation classique. En fonction du nombre de “loudspeakers”, plus l’ordre d’ambisonie est élevé, plus le champ spatial se base sur une nombre d’harmonique élevé. Dans la Satosphère avec 31 points “surround”, il est possible d’aller sur un ordre ambisonique 4, ce qui permet d’avoir une proposition d’immersion sonore assez poussée.

Partition 3D IanniX
Avec l’aide et le support de Guillaume Jacquemin (IanniX crew)


Q : Comment t’y prends-tu pour manipuler le son à l’intérieur du dôme?

R : D’abord je peux contrôler manuellement le champ sonore avec Lemur sur mon iPad. Je vais aussi utiliser le logiciel IanniX qui m’assistera pour le contrôle de la spatialisation. Ce logiciel permet de dessiner ou écrire mathématiquement des partitions spatiales qui seront assignées à des trajectoires sonores modulables en temps réel. J’ai choisi de jouer avec la morphologie géométrique du dôme pour construire et transformer ces trajectoires. Donc le son se promène le long de ces courbes dans le dôme. C’est à la fois un positionnement esthétique et symbolique.



Q : À quoi doit-on s’attendre du côté du style et de la narration sonore?

R : Je traite de l’entropie et de l’inertie alors il y aura des tableaux plus enchevêtrés ou distordus et d’autres plus ordonnés. Ce sera moins contemplatif que ce que j’ai déjà fait et plus prenant pour l’auditeur, voire brutal. On ne peut pas surprendre le public en le caressant dans le sens du poil. Je suis plus en mode concert pour que les gens sentent des trucs, espérons qu’à certains moments ce soit insoutenable [rires]. Mais en terme de narratif, on est sur quelque chose de philosophique; il n’y a pas de début, de milieu ni de fin, c’est vraiment davantage expérimental.

Partition 3D IanniX
Avec l’aide et le support de Guillaume Jacquemin (IanniX crew)


Q : Considères-tu ton travail comme de la recherche dans la définition du langage de l’immersion?

R : Ça, c’est un super point parce qu’avec mes autres oeuvres je n’avais pas eu l’occasion d’aller assez loin sur l’exploitation des capacités du système sonore de la Satosphère. En visuel les gars vont déjà assez loin, c’est un peu leur terrain de jeu, mais je trouve que ça devrait être aussi le terrain de jeu des compositeurs et producteurs de musique électronique. Je suis parti de cette double question : c’est quoi l’immersion sonore aujourd’hui et comment lui donne-t-on une traduction esthétique? Le dôme c’est, de mon point de vue, un excellent outil pour faire des “lives” de musique électronique à condition qu’on ait un modèle de commandes que l’artiste s’approprie qui le permette vraiment. Je voulais donc créer un nouveau show qui me donnerait l’occasion de répondre à ces questions, notamment en développant des outils “real time” et une approche conceptuelle (architecture) pour étudier les façons d’aller plus loin en terme de spatialisation sonore. De ce point de vue, l’ambisonie en lien avec IanniX et des contrôleurs “custom” m’est apparue comme la solution la plus adaptée pour construire quelque chose du genre. Après, il faut se donner une limite. D’ailleurs c’est le piège dans lequel je suis en train de tomber parce que je veux tout faire et tout contrôler, mais je ne pourrai pas. Au moins esthétiquement j’espère que ça faire avancer le débat!



Q : Quelles ont été tes inspirations pour la conception d’Entropia?

R :
D’abord il y a le travail de Richard Buckminster Fuller pour ce qui est des dômes géodésiques et ensuite celui de Iannis Xenakis un compositeur/architecte qui m’a un peu servi de mentor dans ce projet. Le logiciel IanniX a d’ailleurs été développé à partir de ses idées.


À travers une pratique artistique en pleine évolution, l’immersion est une sémiotique visuelle et sonore explorant notre faculté de percevoir un environnement sensoriel. Ce que l’oeuvre d’Éric Raynaud nous propose, c’est d’explorer la spatialisation sonore ambisonique vers un contrôle plus total de l’expérience immersive. En plus de créer des outils pour travailler en audio, Entropia établira de nouvelles bases de l’immersion sur lesquelles les prochains artistes pourront venir s’appuyer et s’inspirer.


Une première démonstration d’Entropia sera présentée dans la Satosphère le 16 décembre prochain.
Réservations gratuites bientôt ouvertes pour en faire l’expérience…

Site officiel de Fraction
Voir sa page Facebook
Voir son twitter

Partition 3D IanniX
Avec l’aide et le support de Guillaume Jacquemin (IanniX crew)

Partenaires

Présenté dans le cadre d’un programme d’échanges France-Québec entre le Conseil des Arts et des Lettres du Québec (CALQ) et l’Institut Français. La réalisation de cette résidence est rendue possible grâce à la collaboration de l’Institut français, de la Gaîté lyrique, du Cube, de la Société des arts technologiques et de OBORO.

Sponsors

Partager l'article
Copié dans le presse-papier