C’est en s’inspirant des diverses représentations, symboles et discours associés au maïs que Manuel Chantre créera un univers évocateur, sensoriel et abstrait.
Biographie : Manuel Chantre est un artiste des nouveaux médias qui s’intéresse à la construction / déconstruction de symboles culturels. Il développe sa démarche en intégrant la musique, l’art audio, la programmation, l’électronique et plus récemment, la vidéo. Dans le cadre de ses performances, il a utilisé du maïs soufflé, des cartes de Noël musicales modifiées, des consoles de jeux vidéo, des poupées interactives et d’autres objets comme sources sonores et visuelles. Les environnements immersifs occupent également une place importante dans sa pratique par la création d’oeuvres nourries de questionnements sur les nouvelles formes de langages narratifs. Il détient un baccalauréat en anthropologie sociale et culturelle de l’Université Laval et un baccalauréat en beaux art et musique électroacoustique de l’Université Concordia.
Il y a plus de 5000 ans que l’homme cultive le maïs et le consomme. En Amérique, cet aliment a nourri des civilisations entières et est aujourd’hui la première céréale mondiale consommée devant le riz et le blé. Le maïs a ainsi laissé des traces dans l’imaginaire collectif depuis des milliers d’années. C’est en s’inspirant des diverses représentations, symboles et discours associés au maïs que Manuel Chantre créera un univers évocateur, sensoriel et abstrait. Cette démarche s’inscrit dans sa réflexion sur la construction / déconstruction de symboles de la culture populaire qu’il a développé notamment avec le collectif Popcore ainsi que par ses études en anthropologie sociale et culturelle.
Photo de l’installation partielle en studio, septembre 2009.
Le contenu est conçu pour un dispositif immersif interactif constitué de vingt-quatre toiles de projections transparentes, quatre projecteurs vidéos et un système ambiophonique de quatre haut-parleurs. L’interprétation singulière du spectateur et les jeux de perceptions spatiales sont les deux principaux axes qui guident la création. Dans une salle plongée dans l’obscurité, plusieurs écrans s’activent, clignotent et interagissent avec le public afin de créer un récit composé d’espaces familiers et de lieux qui se construisent et se déconstruisent. Dans cet environnement, le public explore un univers tissé de fragments de souvenirs et d’impressions rattachées au maïs.
Cette résidence est possible grâce à l’appui du programme Vivacité Montréal et le support de la Société des arts technologiques (SAT). Une première présentation de l’œuvre est prévue dans le cadre des journées de la culture à la SAT les 26 et 27 septembre 2009.
Dans une grande salle de trente pieds par trente pieds, sont suspendus des écrans rectangulaires et translucides faits de voiles et de toiles de rétroprojection. Selon les différentes configurations de l’activation des écrans, s’assemblent et se forment des espaces et des lieux aux dimensions variables.
L’environnement immersif devra réagir en fonction de la position de l’utilisateur qui est évaluée par des capteurs de mouvements. Différentes scènes et tableaux seront donc enclenchés pour leur aspect visuel, musical ou spatial. Un logiciel traitera les données en temps réel afin d’assurer une structure narrative dynamique qui sera différente d’une représentation à l’autre, tout en suscitant de vives émotions.
Des tests seront faits avec l’application Eyesweb pour la lecture de donnée alors que la captation des mouvements du public se fera par caméra infrarouge. Une application programmée en Max / MSP gèrera les données pour activer les visuels et la musique, ainsi que pour gérer le signal vidéo des six projecteurs. Une méthode de synchronisation entre les ordinateurs est également à développer.
Depuis des milliers d’années, l’homme a développé et transformé cette plante qui a constitué l’une des principale source de l’alimentation de civilisations entières. Chez le peuple maya, le maïs symbolisait la vie et était directement associé à l’origine de la création l’homme. Selon leur mythologie, l’homme en serait constitué. Le mot français « maïs » proviendrait de « maiz », une sorte de plante céréale, citée comme mot indigène dans un écrit daté de 1525.1
Aujourd’hui, il est à la fois, un aliment de consommation, un aliment cultivable, un symbole de l’industrie intensive, un produit associé à la fête foraine et au cinéma, un aliment modifié génétiquement, une plante permettant la production d’éthanol, une substance utilisée pour faire des antibiotiques, une nourriture pour animaux d’élevage, un aliment de décoration et bien d’autres représentations.
C’est à partir de ces différents aspects du maïs que s’inspire Manuel Chantre pour créer un univers évocateur.
L’expérience proposée dans Dispergere Maiz est un récit non linéaire, une histoire qui n’a ni début ni fin. Les expériences vécues seront différentes d’un utilisateur à l’autre. En utilisant les symboles, icônes et repères historiquement ancrés dans la mémoire collective populaire, Manuel Chantre veut stimuler les associations personnelles que fait le spectateur à propos du maïs.
Des vidéos aux éléments épurés et traités défileront ainsi rapidement et en rafale. Le spectateur sera alors assailli par différentes représentations culturelles du maïs qui lui rappelleront ses propres expériences et évoqueront en lui des souvenirs intimes. Le récit prendra forme. Par exemple, des impressions et émotions liées à son expérience passée mettant en scène le maïs dans des lieux tel qu’au cinéma, dans les fêtes foraines ou ailleurs seront évoquées en lui et concentrées en un court moment.
Manuel Chantre a exploré avec Jean Ranger les particularités narratives des dispositifs immersifs en composant des musiques en environnements sonores pour les oeuvres “Réflexions / Réflections“, conçues pour le Cyclorama, ainsi que le film “Entre ciel et terre“, pour la SATosphère. L’une des particularités l’intéressant dans le projet Dispergere Maiz est la possibilité pour chaque spectateur de regarder la partie de l’écran qu’il désire, au moment où il le désire. Cet aspect favorise la création d’un récit libre d’interprétation par le spectateur, sans tenter de diriger sa lecture vers une interprétation unique et précise de la scène.
Dispergere, est le mot latin signifiant « répandre ça et là, éparpiller ». Ce mot renvoie à l’idée de disperser, de répandre, d’envoyer en divers lieux, de séparer en des endroits différents. L’idée de dissociation, de délocalisation du maïs en différents endroits est un axe de recherche principal pour ce projet. Cet espace immersif sera construit et reconstitué de fragments de lieux et de représentations du maïs.
Manuel Chantre envisage également d’explorer la dimension spatiale et sensorielle unique de ce dispositif. Par la configuration, la juxtaposition et la superposition d’écrans en cet environnement tri-dimentionnel, de nouvelles possibilités narratives spatiales seront à développer. Il envisage de tester différents paramètres psychologiques et sociaux qui altèreront la perception d’un lieu, de l’espace, de la perception des distances, du haut et du bas ainsi que de l’équilibre. Par exemple, un jeu vidéo et de perspective en 3D, tel que le démontre l’oeuvre pour Cyclorama La ville la nuit de Jean Ambroise Vesac, permet d’altérer l’équilibre des spectateurs et ainsi émuler des déplacements dans l’espace.
C’est en s’inspirant du détournement de la culture de masse que Manuel Chantre fonde en 2006 le collectif Popcore dans le cadre des soirées MixSessions à la SAT. Les membres de Popcore improvisent en direct avec divers objets du quotidien qu’ils ont modifiés afin de les utiliser en tant qu’instruments musicaux et sources visuelles. Ce projet a permis d’explorer différentes pratiques en art numérique et d’aborder divers esthétiques par les principaux membres dont Danny Perreault, Dimitri della Faille, Simon Laroche, Jean-Ambroise Vesac et Christian Pomerleau. Les dernières manifestations du collectif ont été présentées sous le nom de Popcore Duo, une performance “noise” et narrative de Laroche et Chantre sur le thème de la déconstruction du corps robotisé.
Manuel Chantre est également impliqué dans la scène de musique chiptune / 8bit à Montréal par son projet musical performatif Taxi Nouveau ainsi qu’en tant que membre fondateur du collectif Toy Company.
Parallèlement à son parcours au sein de productions immersives à la SAT, il développe ses techniques de compositeur et de concepteur sonore pour des films de fictions, de dessins animés, d’installations architecturales, de documentaires et autres projets de performances. Il a travaillé pour diverses productions d’organismes montréalais reconnus, notamment à l’Office nationale du film du Canada, chez Moment Factory et au Centre des sciences.
Ses projets personnels ont été présentés lors de nombreux festivals internationaux et d’événements culturels au Canada, en France, aux États-Unis, en Belgique, en Suisse et en Hollande.
Notes
A. Fabre, Le Voyage et navigation faict par les Espaignolz es Isles Mollucques [trad. de l’ouvrage ital. de Pigafetta, 1525.] ds Arv., p. 309
Mistere du viel Testament, éd. J. de Rothschild, 44406.
XVe s., v. Molinet, Faictz et dictz, éd. W. Dupire, t. I, p. 164, 63; empr. au lat. dispersus.
Cette résidence à la Société des arts technologiques est réalisée grâce au programme Vivacité Montréal crée en partenariat avec avec le Conseil des Arts du Canada, la Conférence régionale des élus de Montréal, la Fondation du Grand Montréal, le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles, le ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, le Conseil des arts de Montréal et le Forum jeunesse de l’Île de Montréal.