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Entrevue
avec
Eduardo
Meneses,
directeur
de
la
recherche
au
département
d’innovation
de
la
SAT,
sur
le
projet
IoT
Intermédia

Le projet IoT Intermédia, mené par le département innovation de la SAT, explore comment adapter et concevoir des outils issus de l’Internet des objets (IoT) pour les pratiques artistiques. Dans cette entrevue, Eduardo Meneses, directeur de la recherche au département d’innovation de la SAT, revient sur les motivations derrière ce projet, les défis techniques rencontrés avec différent·e·s artistes dont Corinne Linder, Navid Navab, Jean-François Laporte et Erin Gee, ainsi que la manière dont ces collaborations ont nourri la création d’une boîte à outils modulaire, pensée pour la performance, l’interaction et la portabilité. 

Marek Blottiere – Chargé de projets de recherche et développement: Pourquoi la SAT s’intéresse-t-elle à l’Internet des objets (IoT) dans le contexte artistique?

Eduardo Meneses: Le projet IoT Intermédia est né d’une intuition simple: les technologies IoT, bien qu’omniprésentes dans les domaines de la domotique ou de l’industrie, sont rarement conçues avec les exigences de l’art à l’esprit. Nous avons constaté que ces outils posent rapidement problème lorsqu’on tente de les utiliser dans une création artistique. Problèmes de latence, de connectivité, manque de flexibilité: la liste est longue. Ce projet vise à combler ces lacunes, soit en adaptant les outils existants, soit en concevant des outils sur mesure pour la création artistique.

MB: Quel constat avez-vous dressé dans votre état de l’art?

Eduardo Meneses: Nous avons remarqué une forte fragmentation des approches. Chaque sous-domaine (vidéo, audio, musique, etc.) développe ses propres outils sans communication entre eux. Pourtant, les problèmes sont souvent similaires: transmission des données, latence, robustesse, etc. Il manque une couche intermédiaire capable de faire le lien entre ces pratiques. C’est là que l’innovation à la SAT intervient. Par exemple, un point critique qui apparaît comme étant souvent négligé est l’extensibilité (scalability). L’IoT traditionnel n’a pas besoin d’un haut niveau de fiabilité ou de latence ultra-faible là où dans l’art, c’est essentiel. Les messages doivent être transmis en temps réel, avec un minimum de retard. Cela a été central dans notre collaboration avec l’artiste Corinne Linder et son projet VIBH20, qui a travaillé sur une performance utilisant plus de 80 capteurs Bluetooth. Grâce à une approche plus flexible sur le temps de réponse, nous avons pu résoudre les problèmes de connectivité à grande échelle.

MB: Vous mentionnez Corinne Linder, avez-vous accompagné d’autres artistes également? Quels défis spécifiques avez-vous rencontrés?

Eduardo Meneses: Chaque artiste avait des besoins uniques. Avec Navid Navab, le défi était mécanique. Il ne s’agissait pas de miniaturiser l’objet, comme dans l’IoT classique, mais de contrôler de façon très précise des moteurs, des aimants et des actionneurs. Cela impliquait non seulement une transmission fiable, mais aussi la mise en place de mesures de sécurité matérielle. Le système devait rester “chaotique”, pour reprendre le nom du dispositif, mais jamais dangereux. 

Avec Erin Gee, l’exploration se concentrait sur la biodata, la connectivité et la synchronisation multimédia. Nous avons dû relier des données biologiques à des sons, des lumières, des événements visuels, etc., et créer un système que l’artiste puisse manipuler facilement. Ce cas nous a permis de réutiliser des stratégies académiques existantes (comme l’outil Plaquette) tout en apportant de nouveaux usages très concrets.

Le dernier exemple est celui de Jean-François Laporte (Productions Totem Contemporain), qui travaille avec des instruments physiques générant du son à l’aide d’air comprimé ou de membranes. Le défi ici était de rendre ces instruments connectés sans en perdre la richesse de l’interaction. Il ne s’agissait pas seulement de transmettre des commandes, mais de créer un langage expressif pour que les artistes puissent façonner le son en manipulant simultanément plusieurs paramètres.

MB: Ces défis ont-ils permis de faire émerger une approche plus générique?

Eduardo Meneses: Oui, c’est ce qui nous a menés à la notion de boîte à outils intermedia. L’idée est de concevoir des modules qui puissent être utilisés par des artistes pour créer et performer, par des concepteur·rice·s d’instruments pour fabriquer des dispositifs, et éventuellement par des développeur·euse·s ayant une visée commerciale. Cela implique une approche flexible, capable de s’adapter à plusieurs flux de travail. Cette boîte à outils est à la fois physique (capteurs, appareils) et méthodologique (workflows, mappages, documentation). Elle vise à permettre une interaction autonome, transportable et prête à l’usage. 

MB: La notion d’interaction semble centrale dans ce projet.

Eduardo Meneses: Absolument. L’interaction est au cœur de nos recherches, qu’il s’agisse de l’interaction homme-machine ou de l’interaction entre plusieurs personnes via des dispositifs technologiques. Nous voulons que l’artiste puisse saisir son instrument, comme une clarinette, et produire une réponse expressive et nuancée. Cela nécessite de traduire des gestes complexes en comportements interprétables par le système. Comment reproduire la subtilité d’une pression d’air, d’un doigté, d’un timbre dans un environnement numérique? C’est aussi une question de présentation des paramètres. Faut-il tout exposer à l’artiste? Ou proposer des abstractions plus accessibles? Ce travail d’interface est fondamental.

MB: Comment avez-vous surmonté les obstacles liés à la diversité des projets artistiques accompagnés?

Eduardo Meneses: Nous avons commencé avec une approche personnalisée pour chaque projet. Rapidement, des motifs communs sont apparus. Plutôt que de réinventer la roue à chaque fois, nous avons choisi de capitaliser sur les outils créés en les intégrant dans un ensemble structuré. Ce travail en co-création permet de répondre à la vision de l’artiste tout en enrichissant notre boîte à outils commune. Nous n’imposons pas des solutions: nous les construisons ensemble. 

MB: Avez-vous prévu de rendre ces outils accessibles?

Eduardo Meneses: Oui. La documentation de ce projet est accessible via le site web de la SAT, GitLab, GitHub (Puara et ossia). L’objectif est d’avoir un point central pour explorer ces ressources et permettre à d’autres artistes de s’en emparer. 

MB: Pensez-vous que ces outils peuvent avoir des usages au-delà de l’art?

Eduardo Meneses: Certainement. Une fois qu’un outil est suffisamment robuste pour une performance artistique – où l’échec n’est pas une option – il peut être utilisé dans d’autres domaines. Par exemple, nos technologies haptiques développées ici ont trouvé des applications en rééducation physique. D’autres outils immersifs peuvent être utilisés en éducation. Le domaine artistique agit ici comme un laboratoire d’exigence extrême, qui pousse l’innovation à son plus haut niveau.

IoT Intermédia est un projet qui explore l’interaction physique, numérique et expressive entre artistes et objets connectés. Il part de cas concrets, développe des solutions adaptables et construit une boîte à outils modulaire pour la création artistique. Ce projet a été rendu possible grâce au soutien financier du ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie (MEIE). Nous remercions les artistes qui ont participé à ce projet: Corinne Linder, Navid Navab, Jean-François Laporte, Erin Gee et leurs équipes respectives. 

Si vous souhaitez découvrir les projets de l’innovation de la SAT, consultez notre site.

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